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Si l’on sait que la présidence de la République n’est pas épargnée par “les affaires”, on sait moins que cette institution assure également la prise en charge financière des frais de justice engagés par les collaborateurs de l’Élysée mis en cause dans le cadre de leurs fonctions.
Le dernier rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion des services de la présidence de la République relève qu’en l’espace d’un an, le budget de la protection juridique apportée par l’Élysée à des collaborateurs actuels ou anciens est passé de 2352 euros en 2018 à près de 160.000 euros (159.766) soit 68 fois plus! Faut-il en déduire qu’il y a plus d’affaires ou que les collaborateurs sont de plus en plus souvent mis en cause?
Il faut se méfier des chiffres qui reflètent une réalité plus complexe.
La lenteur de la justice a parfois pour effet de renvoyer devant le tribunal correctionnel les collaborateurs au service de l’avant-dernier chef de l’État. Tel a été le cas en août 2019 de l’ancien secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant et de la directrice de cabinet Emmanuelle Mignon dans l’affaire des sondages de l’Élysée remontant à la présidence de Nicolas Sarkozy. En 2018, une seule convention avait été conclue pour un montant de 2352 euros. 2019 aura donc été une année faste avec 14 conventions en cours et un provisionnement des dépenses à ce titre de près de 490.000 euros. Un tel constat conjugué à l’absence de précision concernant les affaires concernées et les montants respectifs des frais de justice payés par le contribuable ne peut manquer d’interroger les observateurs de la chose publique sur l’existence ou non d’une zone grise à l’aune de l’éthique.
La protection fonctionnelle des agents publics, une obligation pour l’État et donc pour l’Élysée
Claude Guéant a indiqué le 7 août 2020 que la protection fonctionnelle était prévue par la loi et que le budget de l’Élysée prenait totalement en charge ses frais de justice dans le cadre de l’affaire des sondages de l’Élysée qui remonte à 2009. L’État pouvait-il refuser la protection? Il peut être tentant de refuser la protection fonctionnelle à un collaborateur de l’Élysée mis en cause sous une ancienne mandature. Le refus illégal d’apporter la protection à un collaborateur de l’Élysée n’ayant pas commis de faute personnelle expose toutefois l’État à voir sa responsabilité être engagée en raison du préjudice subi par l’agent public non protégé. La prise en charge des frais de justice des collaborateurs du Président est la conséquence logique de l’application de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983. Le Conseil d’État a rappelé, en 1999, dans un arrêt concernant un ancien directeur de cabinet de François Mitterrand que cette protection est une obligation pour l’institution publique et que l’État aurait dû apporter sa protection au requérant dans le cadre de l’instruction relative aux écoutes téléphoniques de l’Élysée.
Sans qu’il soit possible de détailler par le menu chacune d’entre elle, il existait, en 2019, quatorze procédures juridiques concernant des collaborateurs de l’Élysée. Chaque demande de protection fonctionnelle fait l’objet d’une convention précisant les conditions de prise en charge.
Plus d’éthique dans la prise en charge des frais de justice des collaborateurs de l’Élysée?
Peut-on fixer d’autres limites à cette prise en charge financière? Si le collaborateur de l’Élysée a commis une faute personnelle, il ne devrait logiquement pas être protégé juridiquement par cette institution. Tel a été le traitement réservé à Alexandre Benalla.
Il est également possible de limiter l’étendue de cette protection. Le budget de l’Élysée pour 2019 a plafonné à 630.000 euros le montant total des sommes concernées par les conventions de prise en charge des frais liés à la protection fonctionnelle des collaborateurs mis en cause dans le cadre de leurs fonctions au Palais de l’Élysée. Ce montant semble quelque peu disproportionné par rapport au nombre de collaborateurs du Président. Peut-être serait-il opportun de réduire la voilure. Sur un plan également quantitatif, il serait intéressant, à l’heure de la transparence de la vie publique, de connaître le montant plafonné des émoluments des avocats choisis pour défendre les personnes protégées.
L’Élysée peut légalement décider de faire cesser la prise en charge des frais de justice d’un agent public si les services découvrent, après lui avoir accordé la protection dans un premier temps, que ce dernier a commis une faute personnelle. Le Conseil d’État a toutefois précisé le 14 mars 2008 dans l’affaire des frégates de Taïwan, que la décision d’accorder la protection juridique ne peut être retirée que dans un délai de quatre mois suivant la prise de cette décision.
Enfin, en cas de mise en cause d’un collaborateur, une bonne pratique consisterait à recourir à une expertise juridique “hors les murs” et confidentielle pour avoir un avis sur l’opportunité ou non d’accorder la protection fonctionnelle. Il ne serait pas inutile, pour tenir compte de l’évolution de la situation juridique du collaborateur mis en cause, de prévoir une clause de “revoyure” dans la décision de prise en charge des frais de justice. Cette clause permettrait de vérifier dans le délai de 4 mois suivant la décision de prise en charge des frais de justice l’absence effective de faute personnelle commise par le collaborateur afin de rendre possible, si tel n’est pas le cas, la cessation de la protection fonctionnelle conformément à la jurisprudence administrative que l’on sait. Mais en définitive, pourquoi ne pas modifier tout simplement l’état du droit afin de rendre possible le remboursement des frais de justice en cas de condamnation définitive d’un collaborateur du Président de la République ayant commis un grave manquement?
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August 12, 2020 at 11:06AM
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