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Frais d'hospitalisation : la double peine des patients Covid sans mutuelle - Le Journal du dimanche

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C'est un cauchemar à l'américaine. Le 17 juin, un chauffeur de bus dont le père vient d'être emporté par le ­Covid-19 partage sa double peine dans Le ­Parisien : le CHU (centre hospitalier universitaire) ­Saint-Louis, à Paris, lui réclame 7.000 euros pour dix jours ante ­mortem. Au lieu de se désoler du mauvais buzz, ­Martin ­Hirsch, directeur général de l'Assistance ­publique-Hôpitaux de ­Paris ­(AP-HP), réalise qu'il peut en profiter pour mettre un secret de famille sur la table : "En France, l'hôpital n'est pas gratuit pour tout le monde."

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On a dit que le coronavirus avait révélé les traits de caractères humains, courage des uns, lâcheté des autres. Ça vaut aussi pour les carences systémiques. ­Hirsch ­raconte que le directeur financier l'a alerté en avril. "Qu'est-ce que je fais? On a des factures à plusieurs milliers d'euros!" Si celle concernant le père du chauffeur de bus "a malheureusement été envoyée" par courrier, explique le DG, la plupart de ces notes à trois ou quatre chiffres ont été bloquées en attendant de trouver une solution.

Près de 3.000 euros la journée en réanimation

À quoi correspondent ces restes à charge XXL? Certes, la grande majorité des 104.300 ­malades hospitalisés depuis le début de l'épidémie - dont 18.351 dans des services de réanimation où le prix d'une journée avoisine 3.000 euros – ne sont pas ­concernés. Pour ceux-là, les 20% non remboursés par la ­Sécurité sociale sont (presque) indolores car la complémentaire rembourse ce reliquat décomposé en deux parties aux noms barbares : "­ticket modérateur" et "forfait journalier". À ces ­"bien couverts", s'ajoutent tous les diabétiques, hypertendus, cardiaques, etc. en affection longue durée (ALD) - leurs soins sont pris en charge à 100%.

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Mais pour la minorité des "sans mutuelle" qui, malgré la généralisation de la complémentaire santé d'entreprise en 2016, représentaient encore l'an dernier 5% de la population (travailleurs précaires, chômeurs ou inactifs), il faut payer des sommes importantes. "Le passage en réanimation ne dispense pas du ticket modérateur comme c'est le cas pour une opération chirurgicale", décode ­Martin ­Hirsch. En multipliant la somme due par le nombre de jours d'hospitalisation, le ­compteur ­s'affole vite. Les services de ­l'AP-HP ont pioché au hasard 2.000 ­dossiers médicaux de patients atteints du ­Covid. Dans cet échantillon, près d'un quart ne semblent pas avoir de mutuelle. Montant moyen de la facture : 1.000 euros, avec des pics à 6.500 euros.

Des factures impayées qui plombent les comptes de l'hôpital

Il y a trois ans, ­l'AP-HP a confié à sa chaire de recherche en économie de la santé, ­Hospinnomics, une étude sur ce phénomène "peu ­documenté". "Ça a permis de mettre en évidence des restes à charge sur ­certains séjours, décrypte ­Lise ­Rochaix, sa responsable, également professeure à l'École d'économie de Paris. Il existe un risque financier plus fort pour des patients qui n'ont pas de complémentaire, qui créent des ­disparités de traitement." ­L'analyse des "10% de séjours aux restes à charge les plus élevés" fait apparaître "des situations préoccupantes". "Ça concerne chaque année des plus de 70 ans hospitalisés pour de longs séjours, ou des enfants pour des bronchiolites, de l'asthme ou des problèmes digestifs."

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L'hôpital, si performant, n'est pas gratuit, il est remboursé avec l'argent des Français

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Pour elle, au vu de ces disparités et des coûts administratifs associés à leur gestion, il est urgent "d'unifier le mode de calcul des restes à charge, voire de les supprimer". Le directoire de ­l'AP-HP, comme les représentants des directeurs et des médecins des centres hospitaliers régionaux universitaires, ont fait cette proposition dans leur ­contribution au Ségur de la santé. Car, ­au-delà de l'enjeu social, ces factures plombent les comptes. Souvent impayées, elles forment une bonne partie des créances dites "­irrécouvrables" des hôpitaux. Rien qu'à ­l'AP-HP, les impayés liés aux restes à ­charge des patients ­français se sont élevés à 68 ­millions d'euros en 2018. Une dette bien supérieure à celle des patients étrangers qui, elle, a souvent été commentée.

Une réforme du système de facturation et des emplois à la clé

Mais tous les acteurs de la santé ne plaident pas pour un effacement de ces créances, ni pour le tiers payant intégral. ­Jean-Patrick ­Lajonchère, directeur de l'hôpital privé à but non lucratif ­Saint-Joseph à ­Paris, n'est ainsi pas choqué par le doublement du reste à ­charge moyen par ­patient en mars-avril (de 92 euros en moyenne l'an dernier à 225 euros) : "C'est une question de vision politique. L'hôpital, si performant, n'est pas gratuit, il est remboursé avec l'argent des ­Français et on ne peut pas entrer dans l'intime des ­foyers pour ­savoir pourquoi les gens n'ont pas de ­mutuelle."

En revanche, il ­partage avec les directeurs de CHRU (centre ­hospitalier ­régional universitaire) l'idée qu'une réforme du ­système de ­facturation des hôpitaux - ­complexe, chronophage et ­coûteux - s'impose. À la clé, de quoi financer des milliers d'emplois de soignants.




June 28, 2020 at 04:45AM
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